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Recul de l’épidémie de Covid-19 : le confinement n’aurait-il servi à rien ? | Le Parisien

 

Trois semaines et demie après son entrée en vigueur, le confinement se retrouve au banc des accusés. De nombreux internautes remettent en cause son efficacité, s’appuyant sur un extrait de l’émission 24 heures Pujadas sur LCI diffusée il y a quelques jours. Courbes de l’épidémie à l’appui, une journaliste y indique que le confinement « a sûrement joué » mais que le délai de trois jours entre son entrée en vigueur et le pic du nombre de nouveaux cas de Covid-19 « est beaucoup trop court pour que [la] baisse soit directement liée au confinement ». Quant au couvre-feu, son impact serait limité dans la mesure où l’épidémie aurait aussi ralenti dans les métropoles qui n’y ont pas été astreintes.

« Depuis le départ, l’efficacité du confinement ne repose sur aucune certitude scientifique ! », a cinglé sur Twitter l’ancienne députée du Rassemblement national Marion Maréchal, petite-fille de Jean-Marie Le Pen, suscitant plus d’un millier de partages et de très nombreuses réactions. « Sommes-nous en train d’accepter un confinement inutile ? », s’est interrogé à son tour ce lundi matin l’écrivain Alexandre Jardin, alors que médecins et autorités estiment qu’il faut au minimum une ou deux semaines avant de mesurer les effets d’une disposition prise.

Des couvre-feux avant le confinement

Reprenons les faits. Le confinement de tout le pays a été annoncé par Emmanuel Macron mercredi 28 octobre puis est entré en vigueur deux jours plus tard, vendredi 30 octobre. Quant au taux d’incidence, correspondant au nombre de nouveaux cas pour 100 000 habitants sur la semaine écoulée, il a atteint un pic le 2 novembre, à 499,6, soit trois jours plus tard. Notons cependant que le compteur des nouveaux cas et le taux d’incidence ne prennent pas encore en compte les cas positifs par test antigénique, qui sont montés en puissance depuis fin octobre. La semaine du 9 au 15 novembre, ils représentaient déjà 10 % de ceux par tests RT-PCR. Ce qui fait dire à Mahmoud Zureik, professeur de santé publique et d’épidémiologie à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, que « la date du pic a sans doute été un peu plus tard ».

Par ailleurs, le pic du nombre de patients en soins critiques (réanimation, soins intensifs, surveillance) a été atteint le 16 novembre, soit 18 jours après le début du confinement. Au printemps dernier, l’écart avait de 22 jours, soit à peine davantage.

Recul de l'épidémie de Covid-19 : le confinement n'aurait-il servi à rien ?

Surtout, ne prendre en compte que le confinement serait faire fi de toutes les mesures prises auparavant, et notamment le couvre-feu à 21 heures. Dès le 17 octobre, celui-ci est entré en vigueur en Île-de-France et dans huit grandes métropoles. Une semaine plus tard, 54 départements ont cette fois été concernés. Sans compter toutes les mesures prises depuis la fin de l’été dans les zones en alerte maximale, comme la fermeture des bars et des restaurants à partir d’une certaine heure. Par ailleurs, les vacances scolaires de la Toussaint, qui ont démarré le 17 octobre, ont peut-être aussi permis de limiter les interactions sociales et donc les contaminations.

« Un impact beaucoup plus fort que ce qui a été décidé en amont »

Reconnaissant avoir eu une « bonne surprise » en voyant le pic arriver si vite après le début du confinement, l’épidémiologiste Pascal Crepey juge que « les gens ont peut-être tendance à penser que, si on met en place un confinement, seul celui-ci peut fonctionner ». « Le couvre-feu et toutes les mesures qui ont été prises avant sont autant de dispositions qui ont permis d’atténuer la dynamique de l’épidémie, voire de la stabiliser. Mais une fois que l’on a atteint le plateau, il faut aussi redescendre. Pour cela, le confinement a un impact beaucoup plus fort que ce qui a été décidé en amont », ajoute-t-il. Le taux d’incidence a d’ailleurs diminué à une vitesse fulgurante depuis début novembre, même si – comme on l’a déjà évoqué – il faudra y ajouter les cas positifs par test antigénique.

Dans son dernier point épidémiologique hebdomadaire, du jeudi 19 novembre, Santé publique France note que « la temporalité entre la mise en application [des différentes dispositions], notamment celle du premier couvre-feu, et l’inversion de la tendance une dizaine de jours plus tard, est en faveur d’un effet direct des mesures ». L’agence souligne aussi qu’il n’est « pas possible de mesurer l’impact des vacances de la Toussaint ».

« Effet de sidération »

Cela dit, et comme évoqué dans l’extrait de LCI, il n’y a pas qu’en Île-de-France et dans les huit métropoles concernées par un couvre-feu à partir du 17 octobre que la situation s’est rapidement améliorée. À Bordeaux, Nice et Strasbourg, par exemple, le taux d’incidence a atteint son pic tout début novembre, avant d’entamer une baisse continue. Sur ce point, Santé publique estime « raisonnable de considérer que l’annonce de mesures phares dans de premières métropoles ait eu un impact au-delà de celles-ci par effet de résonance, entraînant une modification des comportements dans un périmètre plus large que celui ciblé ». Et d’ajouter que « cette période a également été marquée par une communication sur la gravité de la situation qui a pu contribuer à ce phénomène ».

Vincent Maréchal croit également à cet « effet de sidération », selon ses mots. « En octobre, on annonçait que la situation serait dramatique s’il ne se passait rien, et les gens ont fait beaucoup plus attention », appuie ce virologue à Sorbonne Université. D’ailleurs, les dernières données de l’enquête CoviPrev de Santé publique France montrent que le respect de tous les gestes barrière (lavage des mains, distanciation physique, éviter d’aller rendre visite à des personnes vulnérables, etc) est reparti à la hausse à partir du milieu du mois d’octobre.

Des études à venir

Mais on peut tout de même se demander si l’épidémie n’aurait pas ralenti même sans confinement, une fois le pic atteint début novembre. « Je ne peux pas répondre à cette question mais je pense que tant que les bars et les restaurants étaient en partie ouverts et tant que le couvre-feu n’était pas bien suivi partout, cela n’aurait peut-être pas suffi », juge Mahmoud Zureik.

 

 

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« L’impact du confinement ne peut pas être évalué du fait d’un délai trop réduit depuis sa mise en place », indiquait de son côté Santé publique France le 19 novembre. L’agence sanitaire va bien sûr se pencher sur le sujet ces prochains jours et ces prochaines semaines, de même que d’autres organismes. « On attend pour cela d’avoir suffisamment de recul pour pouvoir analyser les différents indicateurs de la façon la plus pertinente possible, car il y peut y avoir de fortes variations liées à de nombreux éléments », indique Pascal Crepey. Au printemps dernier, le chercheur de l’Ecole des hautes études en santé publique de Rennes (EHESP) avait déjà tâché d’évaluer le nombre de décès que le premier confinement aurait permis d’éviter.

Certains médecins avancent aussi l’hypothèse d’une dynamique « naturelle » du virus, qui serait moins virulent à un moment donné. Une piste que balaient les experts. « On nous avait déjà sorti cette hypothèse lors de la première vague, on a bien vu depuis que rien ne permettait de l’établir », pointe Pascal Crepey. Et son confrère Mahmoud Zureik de conclure : « L’évolution naturelle, s’agissant d’un virus qu’on ne connaissait pas il y a moins d’un an, je ne sais pas ce que c’est. »

 

Source: Recul de l’épidémie de Covid-19 : le confinement n’aurait-il servi à rien ? – Le Parisien