Grande fatigue, essoufflement, douleurs, palpitations, troubles de la concentration et de la mémoire, perte de l’odorat et du goût, sont souvent rapportés, y compris chez les patients ayant connu une évolution initiale bénigne de la maladie.
“Dès la fin de la première vague épidémique en mai 2020, la persistance de symptômes plusieurs semaines ou mois après les premières manifestations, a été décrite chez plus de 20 % des patients après 5 semaines et plus, et chez plus de 10 % des patients après 3 mois” indique en effet la HAS dans son récent avis, en reprenant une enquête britannique de décembre 2020.
Qu’en est il ? Et quelles sont les atteintes décrites ou possibles ?
Tout d’abord, depuis 2007, on sait que les coronavirus (SARS) peuvent être à l’origine de manifestations chroniques : fatigabilité à la marche, troubles psychiques, altération des scores de qualité de vie, fatigue chronique. Le Sars-Cov-2 n’y échappe probablement pas, mais nos connaissances sont encore partielles.
On sait que le mécanisme d’infection du SRAS-CoV-2 exploite la forte affinité du virus avec l’enzyme de conversion de l’angiotensine-2 (ACE2) pour pénétrer dans les cellules, et comme ce récepteur s’exprime dans les poumons, le cœur, les reins, les testicules, les parois des veines, les intestins, le cerveau et certains muscles, on peut aisément comprendre que ce virus peut s’attaquer à de nombreuses cibles.
Selon une récente étude publiée dans The Lancet, 6 mois après l’infection aiguë, les survivants du COVID-19 sont principalement atteints de fatigue et de faiblesse musculaire (63%), de troubles du sommeil (26%), d’anxiété ou de dépression (23%), de troubles de l’odorat ou du goût (11 et 9%) ; ce polymorphisme montre l’étendue des lésions possibles, d’autant que d’autres atteintes sont aussi possibles :
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l’atteinte neuropsychiatrique désormais nommée neuroCovid est fréquente, décrite dans 40 à 88% des atteintes sévères aiguës, et persistante dans 10 à 35% des cas de Covid longs. Parmi les signes les plus fréquents, on retrouve les manifestations neuro-sensorielles (perte de l’odorat et du goût, agueusie et anosmie) ; des troubles neuro-comportementaux (à définir encore précisément), comme après le SRAS, qui avait été à l’origine de 42,5% de troubles séquellaires comme un stress post-traumatique (54,5%), une dépression (39%), un trouble de la douleur (36,4%), un trouble panique (32,5%) et des troubles obsessionnels-compulsifs (15,6%). Ces lésions semblent pouvoir être favorisées par des maladies existantes, comme la sclérose en plaques, ou certaines maladies dégénératives.
L’infection COVID-19 pourrait aussi affecter le système nerveux dit “autonome”, c’est-à-dire celui qui régule toutes les activités non conscientes et automatiques, ce qui pourrait expliquerait les palpitations cardiaques, l’essoufflement, les douleurs thoraciques, les baisses de tension lors des changements de position, ou encore des malaises après l’effort.
Enfin une récente méta analyse a rapporté des lésions ophtalmologiques dans 5,5% des cas, ce que confirme une étude française de l’équipe de la fondation Rothschild, sans que l’on puisse encore en comprendre l’éventuel retentissement.
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l’atteinte respiratoire persiste chez environ 30% des patients à leur sortie d’hospitalisation. La toux, l’essoufflement à l’effort sont en général dus à une atteinte pulmonaire visible au scanner et s’associent à une diminution des mesures de la capacité pulmonaire. L’amélioration est complète chez la majorité des patients après trois mois mais chez 10% environ d’entre eux, il persiste une dyspnée et une limitation à l’effort par déconditionnement, atteinte des forces musculaires respiratoires ou réponse ventilatoire inappropriée (syndrome d’hyperventilation)
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l’atteinte cardiaque est potentiellement la plus grave à la phase aiguë (initiale) de la maladie (elle peut atteindre 22% des cas), en raison du manque d’oxygène et des maladies associées (comorbidités), comme l’hypertension artérielle ou l’angine de poitrine. De multiples études autopsiques ont en effet démontré que le coronavirus a pu être retrouvé dans les tissus cardiaques, ce qui pourrait expliquer la persistance d’anomalies du rythme cardiaque pendant plusieurs semaines, ce qui peut participer aux difficultés décrites séquellaires à l’effort.
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l’atteinte digestive n’est pas rare en phase initiale, où diarrhée, nausées et vomissements sont présents chez 10 à 35% des patients. Ces tableaux pseudo évocateurs de gastro entérite ont d’ailleurs été, au début de l’épidémie, assez trompeurs. Néanmoins, à distance, les troubles digestifs sont peu décrits. .
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l’atteinte cutanée est plutôt présente au début de l’infection, dans les trois premières semaines, et plus rare à distance, dans le cadre d’un covid long. (environ 7%)
Dr Franck Clarot et Dr Corinne Depagne : En octobre 2020, le British Medical mentionnait la possibilité que le Covid long pourrait ne pas être une entité unique, mais quatre syndromes différents, liés à l’inflammation chronique, à des lésions viscérales directes, aux conséquences de l’hospitalisation ou de l’immobilisation, et enfin aux effets du confinement ou des mesures sociales et sanitaires .
Ces doutes et réflexions ont toujours cours, et de nombreux chercheurs et professionnels de santé hésitent encore à attribuer tous les troubles signalés à un seul et même diagnostic.
Cependant, l’absence de diagnostic unique ne nie en rien l’impact réel et souvent grave du covid-19 sur la vie des patients atteints de cette maladie encore peu connue, qui nécessite des études solides, et un consensus d’experts, afin de diagnostiquer efficacement et rapidement, traiter au mieux et éviter une éventuelle inflation des mesures thérapeutiques et diagnostiques inutiles, voire délétères.
Il est nécessaire de se rappeler que le COVID-19 est une maladie récente, dont on ne maîtrise pas encore totalement le déroulé de la phase aiguë et encore moins les suites, et dont on découvre progressivement l’existence par le prisme de symptômes moins “graves”. Si l’absence de définition d’une maladie peut intellectuellement gêner les scientifiques et les médecins, ce manque peut être essentiel pour les patients, notamment ceux qui n’ont pas été hospitalisés ou officiellement reconnus malades du Covid, car cela peut encore majorer leur sentiment d’abandon ou de détresse. Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde, a dit A. Camus ; ne pas nommer une maladie peut ajouter aux malheurs des patients.
Le Covid long est une entité complexe, qui mérite une grande attention, et une prise en charge pluri disciplinaire. C’est un défi important qu’il va falloir relever.
Source: L’autre épidémie : panorama des nombreuses séquelles médicales du Covid-19 | Atlantico.fr