Covid : de nouvelles données soulignent les risques de contamination à l’école. Faut-il les rouvrir à la rentrée ?
Publié le 30 décembre 2020
Entre le risque posé par les contaminations -que confirment des données israéliennes et allemandes- et les risques de décrochages scolaires, quel moindre mal choisir ?
Entre le risque posé par les contaminations -que confirment des données israéliennes et allemandes- et les risques de décrochages scolaires, quel moindre mal choisir ?
Entre le risque posé par les contaminations -que confirment des données israéliennes et allemandes- et les risques de décrochages scolaires, quel moindre mal choisir ?
Atlantico.fr : Une étude israélienne parue en octobre et une autre produite par l’Etat de Hambourg en Allemagne révèlent que les écoles sont des hauts lieux de contamination. L’étude de l’Etat de Hambourg, réalisée à partir d’une analyse génétique, conclut que « la grande majorité des transmissions est très probablement due à une seule source d’infection. La possibilité que l’épidémie résulte d’entrées indépendantes peut être écartée avec une quasi certitude ». En France, à quel niveau se situe le risque actuellement ?
Collectif Du Côté de la Science : L’école est un fort lieu de contamination, on le sait depuis longtemps. Heureusement en France, le masque est désormais obligatoire à l’école (nous avons dû batailler pour cela), ce qui n’est pas le cas partout dans le monde. Non seulement c’est la meilleure protection possible pour les enfants, mais c’est aussi le moyen de donner aux enfants à risques une scolarité normale, alors qu’ils auraient pu s’exclure ou être exclus de l’école en raison du virus : le masque a clairement des vertus inclusives.
La fermeture totale des écoles est une solution extrême dont personne ne veut et qui ne doit être envisagée qu’en dernier recours.
Quelles mesures devraient être mises en place pour éviter une nouvelle fermeture des écoles qui aurait, on le sait, un impact désastreux sur la scolarité des élèves ?
Collectif Du Côté de la Science : Il faut se poser les bonnes questions : où se contamine-t-on à l’école, et comment agir pour limiter la circulation du virus ? Nous voyons 3 points majeurs d’amélioration : la cantine, l’aération, le test des contacts.
Tout d’abord, la cantine est un lieu clos où les élèves se rassemblent et ne portent pas de masque, et cela obère hélas une grande partie des efforts consentis en classe. Il faut donc que les maires, de quelque courant politique que ce soit, se saisissent de ce sujet en maternelle et en primaire ; les conseils départementaux devraient agir de même pour les collèges et les conseils régionaux pour les lycées. On entend régulièrement des partis dire « on aurait fait ci, on aurait fait ça » : c’est le moment de montrer ce qu’ils font, vu que tous les partis sont représentés au sein des communes !
Comme il faut éviter le brassage inter-classes, plutôt qu’avoir un lieu unique de repas, il faudrait permettre aux enfants de rester dans leurs classes, et leur apporter leurs repas. Un système de portage de repas, similaire à ceux qui existent pour les personnes âgées à l’échelle de certaines villes, pourrait être envisagé. C’est une question de volonté politique, ce n’est toujours pas en place, alors que nous tirons le signal d’alarme depuis plus de trois mois.
Le second problème est l’aération. S’il est vrai que certains bâtiments présentent des difficultés techniques, il existe néanmoins des solutions très simples qui ne sont hélas toujours pas généralisées, comme ouvrir la porte d’entrée de la classe et/ou les fenêtres. S’il n’existe pas de solution universelle, chacun peut à son échelle adapter les principes nécessaires d’aération afin de limiter les risques aérosol et la contamination en milieu clos.
Il est aussi possible de mesurer l’efficacité et le risque aérosol indirectement grâce à un capteur de CO2. Le niveau de CO2 de l’air ambiant reflète le niveau de ventilation d’un lieu : ce type de capteur peut déterminer un seuil à partir duquel il existe un risque plus important de contamination dans un lieu clos avec un contaminateur potentiel. Si un élève est par exemple porteur du virus, le risque de le diffuser sera d’autant plus important que la classe sera mal aérée, car en lieu clos la simple distanciation ne suffit pas, et c’est pour cela qu’il faut agir. Comme ces capteurs ne présentent pas un coût élevé (autour de 50€), ils pourraient à la fois permettre un gain sanitaire significatif et permettre de sensibiliser les enfants à la problématique de la qualité de l’air, une problématique d’avenir. Cela permettrait aussi de les associer activement à la lutte contre ce virus, et les sensibiliser à l’avenir, car il est probable qu’ils aient à vivre d’autres pandémies.
Selon vous, le protocole mis en place par Jean-Michel Blanquer empêche un traçage efficace ?
Collectif Du Côté de la Science : Oui, et c’est le troisième point, il faut absolument revenir sur le protocole qui prévoit à ce jour qu’il faut trois cas positifs diagnostiqués dans une classe pour agir. Au-dessous de trois, aujourd’hui, on ne considère pas les autres élèves, ayant parfois mangé ensemble, comme contact… Deux cas positifs peuvent bien évidemment contaminer leurs camarades et au-delà, leurs parents, qui peuvent ensuite contaminer leurs collègues, etc. Quand on est face à une menace, éteindre la lumière ne la fait pas disparaître… A notre avis, dès le premier enfant positif, il faudrait mettre en place un traçage, et tester les enfants qui ont été en contact en classe, en cours mixte, à la cantine.
Par ailleurs, le traçage peut aussi être amélioré. L’une des pistes actuelles de réflexion concerne le repérage de la présence du virus dans les eaux usées. C’est actuellement encore expérimental, mais ce traçage pourrait être prometteur, en adaptant des mesures plus locales qu’à l’échelle des régions.
Enfin, plutôt que de se concentrer sur les personnes croisées APRÈS l’apparition des symptômes, ou après le résultats du test PCR, il serait aussi judicieux de mieux tracer les personnes croisées dans les 48 heures AVANT : c’est le but du rétro tracing, qui mériterait d’être appliqué plus systématiquement.
Quel seraient les conséquences d’une nouvelle fermeture des écoles sur le niveau scolaire et l’épanouissement des élèves ?
Pierre Duriot : Pour le savoir, on peut déjà tirer les enseignements de l’impact du premier confinement. En primaire et surtout en maternelle, on a observé d’importants retards de maturité. Pendant le confinement, certains enfants ont été beaucoup moins stimulés que s’ils avaient été à l’école. C’est-à-dire moins de sollicitations sensorielles, intellectuelles et langagières.
A partir du CP, on a vu des retards dans l’apprentissage de la lecture et un déficit de langage. Les enfants ont moins parlé et moins capté de codes de communication : on ne parle pas de la même manière entre frères et sœurs ou avec ses parents qu’avec un enseignant. L’acquisition de codes de communication avec le monde extérieur a été altéré.
On a aussi pris du retard dans les habitudes de travail. Les postures d’apprentissages ne sont plus là : écouter, se concentrer, être attentif à ce qu’on fait. Tout cela a diminué.
Le travail à la maison a été très inégal selon les familles. Celui-ci est souvent déterminé par le souvenir qu’ont les parents de leur propre scolarité. Tous les enfants n’ont pas la chance d’avoir des parents qui étaient à l’aise avec l’école et qui conçoivent les devoirs comme un moment d’échange. Il y a aussi des parents « copains » qui n’arrivent pas à prendre la posture supérieure de celui qui sait pour apprendre à celui qui ne sait pas. Dans ce cadre, faire faire les devoirs n’est pas une chose évidente. Beaucoup de parents utilisaient les dispositifs d’aide au devoir dans les écoles mais ceux-ci ont aussi disparu. Et donc bien souvent, le travail n’était quasiment pas fait.
Au collège et au lycée, la différence qui existait déjà entre ceux qui ont envie d’apprendre et ceux qui n’ont pas envie s’est extrêmement creusée. Il y aussi les conditions matérielles qui jouent énormément. Il y a des enfants qui ont leur bureau dans leur chambre avec un ordinateur et un accès à internet. Et puis vous avez des familles où il peut y avoir deux ou trois enfants par chambre avec un unique ordinateur familial. La fermeture des classes accroit indéniablement les inégalités, alors que le système éducatif français est déjà très inégalitaire. En plus de cela, toutes les activités qui tendaient à limiter ces inégalités (centre de loisirs, médiathèques, clubs de sport) ont également disparues.
Globalement et sur tous les niveaux, il y a eu pendant cette crise une dévalorisation du travail. Après le premier confinement, on a laissé aux parents le choix ou non de remettre les enfants à l’école. Ça a été aussi le cas pour les deux jours précédant les vacances de Noël.
Cela aboutit aussi à une dévalorisation du mérite. Comme il a privé les enfants d’école, l’Etat se sent obligé de donner les diplômes (bac et brevet des collèges). On a globalement la sensation que l’éducation est passé au second plan et on se retrouve avec une chaîne de travail scolaire totalement dévalorisée.
D’un point de vue psychologique, qu’impliquerait une nouvelle fermeture des classes ?
Pierre Duriot : On repère même chez les tout petits des phénomènes de déprime. Les enfants ne perçoivent pas la crise sanitaire comme nous et en tirent des sentiments très anxiogènes s’il n’y pas des adultes pour les rassurer. Un enfant ne pense pas comme un adulte en réduction, il pense comme un enfant.
A la suite du premier confinement, j’ai participé à une étude où l’on a questionné les enfants un par un sur la façon dont ils avaient vécu le confinement. Ce qu’il en ressort, c’est qu’ils adorent tous l’école. L’école leur a manqué, et si ce n’est pas pour le travail, c’est pour les camarades. L’enfant aime être en groupe et jouer. Ça fait partie de son ADN et la fermeture des classes la lui enlèverait.
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