Noël, tout du moins sa dimension économique, semble être en partie sauvé. Mais, ainsi que le martèle le gouvernement, ce ne sera pas un Noël comme un autre. En tout cas, ça ne doit pas l’être si nous ne voulons pas que janvier sente le sapin. L’exécutif a d’ailleurs recommandé de limiter à six le nombre de convives à table, sans compter les enfants.
Des courses de Noël à l’échange des cadeaux en passant par le repas de famille, nous avons réuni les recommandations des expert·es d’Adios Corona et de Du côté de la science pour un Noël Covid-free, ou presque.
Les cadeaux et les courses, en magasin ou livraison
Noël, c’est bien sûr d’abord les préparatifs et en premier lieu, le shopping. Si toutes les boutiques ont rouvert, nous donnant une impression de sécurité, il n’en reste pas moins que ce sont des lieux clos. «Par définition, ce sont des lieux où des inconnus se croisent, donc c’est difficile de remonter à une source qui serait “je me suis contaminé avec cet inconnu croisé dans un magasin”», expose Michel Rochoy, médecin généraliste et membre du collectif Du côté de la science.
Il ajoute: «D’après une étude publiée dans Nature sur les lieux de contaminations potentiels, les magasins sont des lieux à risque, mais après les restaurants, salles de sport, bars, hôtels, organisations religieuses, cabinets médicaux… Et en fait, le “magasin” peut regrouper des entités très différentes: ce ne sont pas les magasins qui sont dangereux en soi, mais les gens (densité de population, le temps qu’on y passe, respect possible des règles…)»
Les lieux de contamination au Covid-19. | Capture d’écran via Nature
Le médecin généraliste recommande vivement d’utiliser le click and collect lorsque cela est possible –cela permet aussi de réduire la densité en boutiques pour les autres clients. Mais, si vous tenez vraiment à voir en vrai vos cadeaux avant de sortir la carte bleue, le respect des règles sanitaires est essentiel: on maintient les distances avec les vendeurs et les autres clients.
Surtout, «il est impératif de garder le masque, un bon masque bien mis, car on parle et qu‘on ne peut pas facilement éviter les contacts», insiste Denis Corpet, professeur émérite d’hygiène et nutrition de l’homme et membre du collectif Adios Corona. Il invite également à «bien laver les mains en entrant dans le magasin pour ne pas contaminer ce qu‘on touche et en rentrant chez soi».
La livraison à domicile peut aussi être privilégiée, limitant les déplacements et les files d’attente –donc le nombre de personnes potentiellement porteuses rencontrées. «Le seul risque pourrait être en parlant au livreur, signale Denis Corpet. On enfile donc son masque quand on réceptionne son colis auprès de lui et on se lave les mains en rentrant.»
Enfin, les adeptes des traiteurs n’encourent pas de risque majeur même si le cuisinier est positif au Covid. «Début octobre 2020, nous n‘avons trouvé aucun article scientifique décrivant un cas de contamination de Covid-19 par un aliment, et même aucun “preprint” (projet d‘article soumis pour évaluation, mais non encore validé)», relate Charlotte Jacquemot, chercheuse en neuropsychologie interventionnelle, également membre d’Adios Corona. Et, comme l’ajoute Denis Corpet: «Les traiteurs professionnels étaient déjà très à cheval sur les règles d’hygiène –port de masque et lavage des mains.» En outre, le SARS-CoV-2 ne résiste pas à la cuisson.
Décontaminera, décontaminera pas?
Faut-il ensuite décontaminer ses courses? En théorie, pourquoi pas: «On peut les laisser plus de vingt-quatre heures (plus si possible) sans les toucher, suggère Denis Corpet. Pour les produits qui vont frigo ou congélateur, où le virus survit très longtemps, on peut les pulvériser d‘alcool, et laisser sécher un peu (ou essuyer) avant de les ranger.» Reste qu’aucun cas de contamination par les courses n’a été rapporté –ni dans la littérature scientifique, ni même dans la pratique.
«Ce qui est important, c’est de ne pas lécher les paquets, s’amuse le Dr Rochoy. Et d’éviter le manuportage (toucher le paquet puis porter la main à la bouche). Donc on peut tout ranger puis se laver les mains ensuite. Si on veut éviter le manuportage, on peut aussi porter un masque pendant le rangement des courses.»
Et d’ajouter: «En pratique, parmi tous mes patients Covid, il y a eu un contact identifié sans masque avec une ou des personnes qui se sont révélées positives également. La transmission indirecte par manuportage est théoriquement possible, mais il ne me semble pas qu‘il y ait de cas clairement identifiés. C‘est aussi ce que disent les CDC aux États-Unis [Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, ndlr], en préconisant principalement de bien laver les fruits et légumes avant de les manger, après s’être lavé les mains.» Inutile, donc, de faire preuve d’un excès de zèle hygiénique.
Des retrouvailles safe
Passons maintenant aux préparatifs pratiques en vue de limiter les risques lors d’éventuelles réunions de familles ou de proches.
On pourrait être tenté de se faire tester dans les jours qui précédent les retrouvailles. Mauvaise idée: tout d’abord, les capacités en matière de tests ne sont pas du tout suffisantes en France pour tester une grande partie de la population en quelques jours mais surtout, être séronégatif au Covid en amont ne signifie pas être négatif le jour J et n’assure pas une quelconque protection.
«Un test donne l‘info pour le jour J. Pas pour le lendemain! prévient ainsi Charlotte Jacquemot. L‘idéal est de faire une pseudo-quarantaine avant de voir sa famille et de respecter les gestes barrières.» En pratique, dès quinze jours avant Noël: préférez le télétravail, évitez les repas pris en collectivité ainsi que les contacts sans masque.
L’annulation doit rester une éventualité
Même s’il est toujours préférable de circuler par ses propres moyens, l’avion ou le train ne sont pas des lieux de contamination fréquents, à condition bien sûr de bien garder son masque en permanence (ce qui implique d’éviter de manger durant le trajet).
Pour passer la nuit, si chaque personne a la possibilité d’avoir sa propre chambre et si chacun reste vigilant dans les lieux peu aérés comme les toilettes ou la salle de bains, vous limiterez les risques. «Attention aussi au petit déjeuner, on n’est pas encore bien réveillé, on oublie son masque, on papote, avertit Denis Corpet. Évitez également de faire des dortoirs pour que tous les cousins dorment ensemble», recommande le Dr Rochoy. Si on en a les moyens, réserver à l’hôtel ou dans une location privative peut être une idée afin de pouvoir vivre un peu sans masque…
Le Dr Rochoy prévient: «Il faut à tout moment se tenir prêt à annuler une réunion de famille ou à ne pas y participer.» Ce sera le cas si:
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- vous tombez malade et êtes dépisté positif dans les sept-neuf jours qui précèdent (vous ne pourrez alors y assister que si vous n’avez plus de symptômes et en redoublant de vigilance);
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- vous présentez des symptômes même minimes (fébrilité, maux de tête, fatigue, perte de goût et/ou d’odorat) le jour même;
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- vous venez de recevoir un message vous disant que vous êtes cas contact.
«Toute autre conduite que l’isolement serait irresponsable», affirme Denis Corpet.
Votre liste de VIP
C’est maintenant le moment de faire votre liste d’invités. Et là, il va falloir faire des choix. Votre réveillon sera obligatoirement très VIP ou du moins, en très petit comité: «Il y a les fêtes avec plein de gens que l’on ne connaît pas, et celles plus intimes avec juste quelques amis proches. Et les meilleurs moments dans les fêtes ne sont pas forcément quand il y a le plus de monde», souligne Virginie Courtier-Orgogozo, directrice de recherche au CNRS et membre d’Adios Corona.
«Cette année, il n’y a pas à tergiverser, les circonstances ont choisi pour nous: ce sera une fête en petit nombre. Moins il y a de monde, moins il y a de risques. Ce qui est important à considérer, c’est le nombre de foyers: une soirée de dix personnes avec cinq couples sera moins risquée qu’une soirée avec dix célibataires, car on peut considérer en moyenne que les personnes qui vivent en couple “comptent pour UN” (contagieuses ou pas contagieuses).» En petit comité, donc, et si possible dans grande pièce avec des fenêtres de manière à pouvoir garder ses distances et aérer régulièrement.
Adapter le repas aux circonstances
Car, pour le repas, il va falloir redoubler d’originalité afin de limiter les risques: «Les repas sont un lieu majeur de contamination, assure Denis Corpet. Ils durent un certain temps, on baisse les masques, on est rarement assez éloignés les uns des autres, on parle de plus en plus fort (postillons) ou on se rapproche pour des confidences (20 centimètres au lieu de plus d‘un mètre), et enfin on boit du vin qui rend moins conscient du danger et fait baisser la garde.»
Le Dr Rochoy propose quelques astuces pour adapter le repas aux circonstances: «Établissez un plan de table par famille nucléaire afin d’éviter de brasser les gens en situation de potentielle contamination. Aérez régulièrement la pièce, purifiez l’air avec une machine dédiée. Évitez les plats avec contacts manuels, notamment à l‘apéritif (cacahuètes, chips, etc.) et privilégiez le service sur assiettes.»
Évitez également les sujets qui fâchent (les vaccins, Didier Raoult et la fermeture des remontées mécaniques) car parler fort et de manière véhémente augmente sensiblement les postillons. On peut aussi, si le temps le permet, proposer un pique-nique à l’extérieur. Le médecin prêche néanmoins la raison, conscient des difficultés à adopter ces mesures: «Le repas de Noël n’est en rien une obligation: il faut savoir être le plus raisonnable possible.»
Mais, parce que ne pas du tout voir ses proches à Noël et notamment les plus âgés peut être extrêmement difficile à vivre pour tous, on peut prévoir d’autres activités que le repas. Pourquoi ne pas envisager de passer l’après-midi du 25 à jouer à des jeux de société ou de plateau? «Il suffit de bien garder son masque et de se laver régulièrement les mains et le tour est joué!» explique Charlotte Jacquemot. Les balades et les jeux en extérieur peuvent aussi être de bonnes idées.
«Câlins» ne rime pas avec «cadeaux»
Dernière étape et non des moindres: les traditionnels échanges de cadeaux. Il convient bien sûr de se laver régulièrement les mains et de garder son masque sur le nez et la bouche. En dehors de cela, le risque majeur, c’est la tentation de se faire des bisous et des câlins… «Pas de bisous, pas du tout de bisou, car c‘est vraiment risqué, plaide Denis Corpet. Le câlin sur les vêtements, en gardant les masques, sans contact peau à peau, c’est relativement peu risqué.»
En cas de doute, vous pourrez toujours vous rabattre sur votre vieux chat: «Pour les chats, nous commençons à avoir un certain nombre de données, annonce Virginie Courtier-Orgogozo. De nombreux cas de transmission de l’humain vers le chat ont été observés, mais les chats ont généralement des symptômes très légers et aucun cas de transmission en retour du chat vers l’humain n’a été observé. Étant donné que de nombreux chats contaminés ont été observés, on peut être assez confiant sur le fait que les chats ne transmettent pas. On peut donc caresser le vieux chat: au pire on le contaminera, il sera peut-être un tout petit peu malade, mais il ne transmettra pas le Covid-19 à ses maîtres.»
Rappelons-nous que le pire des scénarios serait un boom des contaminations à Noël, avec un écho virulent le 31 et… un pic d’hospitalisations durant la deuxième quinzaine de janvier.
Source: Conseils pour fêter Noël (presque) sereinement malgré le Covid-19 | Slate.fr