- L’exécutif commence à dessiner les contours d’un déconfinement à partir du 1er décembre, qui s’annonce très « progressif ».
- L’objectif est d’« éviter le stop and go », c’est-à-dire l’alternance de périodes de confinement et de déconfinement.
- Déconfinement pour Noël, réouverture des commerces, autorisation de célébrer les messes, préparation de l’arrivée du vaccin… « 20 Minutes » détaille les différents scénarios envisagés par le gouvernement.
A l’heure où le pic de l’épidémie semble avoir été dépassé, les regards se tournent déjà vers le déconfinement à venir. Si la France a franchi, ce mardi, la barre des deux millions de cas confirmés de coronavirus, l’exécutif planche déjà sur la sortie de crise.
Déconfinement progressif ou total, prolongation des mesures de restrictions, vaccination… Quels sont les différents scénarios envisagés par l’exécutif ? 20 Minutes fait le point, alors qu’Emmanuel Macron devrait prendre la parole en milieu de semaine prochaine pour dévoiler les arbitrages.
Un déconfinement progressif
Avec près de 45.552 contaminations supplémentaires en 24 heures enregistrées mardi, l’hypothèse d’un déconfinement total au 1er décembre semble peu probable. Admettant que le gouvernement avait « peut-être déconfiné un peu trop vite » au printemps dernier, le Premier ministre Jean Castex a annoncé, mardi devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, que le prochain déconfinement serait « progressif ».
Le but ? Eviter un nouveau verrouillage du pays début 2021. « L’idée est que nous gérions plus dans la durée », a-t-il expliqué, plaidant pour « éviter le stop and go », c’est-à-dire l’alternance de périodes de confinement et de déconfinement. « Des dispositions de freinage […] perdureront » tant que le virus se propage, a-t-il déclaré, évoquant des restrictions de circulation, des rassemblements et même un couvre-feu. Et pour continuer d’appliquer ces mesures, l’exécutif peut compter sur l’état d’urgence sanitaire, en vigueur jusqu’au 16 février minimum.
Un couvre-feu jusqu’à janvier ?
Pour ne pas reproduire les erreurs du premier confinement, le gouvernement envisagerait d’instaurer un couvre-feu pour déconfiner de manière progressive. Une idée qui a peu de sens selon Michaël Rochoy, médecin généraliste, chercheur en épidémiologie et membre du collectif « Du côté de la science » : « Le couvre-feu, ce n’est pas la bonne solution. Le virus n’a pas de montre, ce n’est pas Cendrillon, il n’arrête pas de circuler à une heure précise. Il faut une stratégie basée sur des objectifs qui sont clairement identifiés. Mais là, c’est illisible comme stratégie ».
Une position que ne partage pas complètement Carine Milcent, chercheuse du CNRS au laboratoire Paris-Jourdan sciences économiques et spécialiste des systèmes de santé. Pour elle, « à partir du moment où on met un couvre-feu, on limite quand même les déplacements et les rassemblements. Pour le réveillon, sans couvre-feu, on pourra avoir des flux importants dehors. »
La question de Noël
Et sur les lèvres des Français, c’est la même question qui revient en boucle : quid de Noël ? Si le Premier ministre n’y a pas encore répondu officiellement, il a déjà averti que les fêtes de fin d’année ne ressembleraient pas à celles que l’on connaît habituellement, avec des rassemblements en grand nombre. Quant à la circulation entre les départements durant les fêtes, aucune réponse n’a été apportée pour le moment. Mais le gouvernement a déjà annoncé que la totalité des trains étaient ouverts à la réservation pour la période des vacances scolaires.
« Pour les fêtes de fin d’année, tout est une question d’arbitrage. Il faut savoir si la politique de santé publique du gouvernement mise sur le port du masque ou sur la limitation des interactions pour endiguer la propagation de l’épidémie », explique Carine Milcent, qui poursuit : « Si elle se base sur la limitation des interactions, Noël est une période de brassage. Qui dit circulation de la population, dit circulation du virus. »
Des jauges dans certains lieux
Pourtant, les restrictions de rassemblements pourraient être assouplies dans certains cas. C’est notamment le cas pour les cérémonies religieuses. Après un week-end de manifestations de catholiques réclamant le retour de la messe, Jean Castex a reçu, ce lundi, les représentants des cultes et a ouvert la porte à la reprise des cérémonies religieuses « à partir du 1er décembre sous réserve » d’adopter d’ici là un « protocole sanitaire strict » et « sous réserve que la situation épidémiologique s’améliore », avait fait savoir Matignon.
Le sport, lui aussi, devrait reprendre progressivement au mois de décembre. Mardi, à l’issue d’une réunion avec les acteurs du sport, Emmanuel Macron a annoncé que les mineurs pourraient reprendre le sport dans les associations ou les clubs, avec des protocoles sanitaires renforcés, en fonction de l’évolution sanitaire. « Les enfants vont pouvoir reprendre dans des lieux clos – des piscines ou des gymnases –, probablement sans masques, mais les joggeurs, qui courent seuls, eux, ne peuvent pas dépasser un kilomètre autour de chez eux. C’est une stratégie incohérente », regrette Michaël Rochoy.
Une réouverture avancée pour les commerces
A l’approche des fêtes de fin d’année, l’horloge tourne pour les commerçants. Touchés de plein fouet par le confinement, ils réclament depuis plusieurs jours une réouverture de leurs établissements le 1er décembre, voire le 27 novembre, avec un protocole sanitaire renforcé. « Si les indicateurs épidémiologiques suivent la tendance, alors autour du 1er décembre (…) on pourra effectivement envisager de rouvrir les commerces qui ne sont pas de première nécessité », a annoncé Jean Castex, mardi, devant la commission d’enquête de l’Assemblée.
Là encore, pour Carine Milcent, tout est une question d’arbitrage : « Que ce soit pour les magasins ou pour les lieux de culte, les critères sont les mêmes. Il faut pouvoir assurer le port du masque et la distanciation sociale. Mais il n’y a aucune raison d’interdire l’ouverture d’établissements, quels qu’ils soient, s’ils n’engendrent pas de rassemblements et si les gestes barrières sont possibles ».
Pour Michaël Rochoy, les commerces restent des lieux de forte contamination. « On peut imaginer que certains commerces puissent réouvrir, mais en favorisant le drive, par exemple, ou en instaurant des jauges très strictes », explique-t-il. « On ne peut pas revivre tout de suite comme nous le faisions en 2019. Pour lutter contre ce virus, il faut limiter les interactions, réduire le brassage des gens, limiter les projections de postillons. Si les commerçants peuvent vraiment contrôler ça, on peut envisager une réouverture. Par exemple, une librairie, c’est possible, mais un restaurant, ce n’est pas possible », poursuit-il.
Les restaurants et les bars devront attendre
Et justement, les restaurants et les bars vont pour leur part sans doute devoir attendre 2021 pour réouvrir. « Si la stratégie de santé publique, c’est de limiter la propagation du virus avec le port du masque, il est évident qu’il ne faut pas autoriser la réouverture les restaurants et les bars. Même avec un protocole sanitaire strict, les gens enlèvent forcément leurs masques pour manger ou pour boire », tranche Carine Milcent.
« Au restaurant, ce n’est pas possible. Même en respectant une jauge et un espace entre les tables, on ne peut pas avoir son masque en permanence », estime son confrère, qui plaide en revanche pour la réouverture des cinémas ou des théâtres : « Dans ces lieux, il est possible d’ouvrir en respectant des mesures de distanciation et en imposant le masque. Laisser ces établissements fermés, c’est illogique », estime Michaël Rochoy.
Préparer l’arrivée d’un vaccin et multiplier les tests
Si la France n’a pas brillé par sa stratégie de masques et de tests, l’exécutif entend ne pas rater le virage des vaccins. Avec cinq contrats déjà finalisés, la France est « dans les starting-blocks pour être prêt pour distribuer un vaccin » début 2021, a assuré le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. « L’enjeu désormais, c’est de réduire la défiance et de sensibiliser les gens à se faire vacciner. Le vaccin n’aura aucune utilité si la population n’est pas largement vaccinée », prévient Carine Milcent.
En parallèle, le gouvernement veut continuer à tester massivement, notamment grâce au déploiement des tests antigéniques. « On pourrait imaginer que tous les Français se fassent tester avant Noël, ce qui permettrait d’isoler tous les cas positifs. Mais c’est une histoire de coûts. C’est une stratégie qui mêle santé et économie », estime Michaël Rochoy.